Comme Arthur l'a expliqué on ne s'ennuie pas durant la journée de classe, même si les heures que l'on passe séparé de papa-maman semblent parfois bien longues.
L'accueil du matin dure pratiquement une demie-heure, entre les premiers enfants qui arrivent du périscolaire un peu avant les autres et l'ouverture des portes aux parents.
Parmi ceux-ci il y a les toujours en avance, qui s'impatientent devant la porte fermée (si on l'ouvrait dix minutes plus tôt, ils seraient là quand même avant...) et les toujours en retard, qui arrivent essoufflés en tirant le gamin par la main :
« Désolé (e) , je n'arrivais pas à le lever ce matin,
- La voiture ne voulait pas démarrer,
- Je n'ai pas entendu mon réveil »
Curieusement ce sont souvent les mêmes qui arrivent aussi en retard le soir :
« Désolé (e) je suis fatigué (e) en ce moment, je n'ai pas entendu mon réveil,
- La voiture ne voulait rien entendre !
- Il y avait des bouchons sur le pont. »
Entre ces deux extrêmes, l'accueil se fait plus ou moins dans le calme, selon l'affluence. L'enfant entre dans la classe après avoir accroché cartable et blouson au porte-manteau avec l'aide de ses parents (certains enfants sont trop petits en début d'année pour atteindre eux-même le crochet (!). On se salue et il va choisir une activité dans la classe, toujours accompagné de ses parents qui restent quelques minutes avec lui.
Là aussi des différences notoires entre les petits élèves.
L'un arrive, arborant un sourire éblouissant « Bonjour maîtresse », visiblement content de venir à l'école, l'autre se cache dans les jupes de sa mère ou s'y mouche ;) en pleurnichant, en fronçant les sourcils d'un air peu engageant, moi je dois quand même lui sourire sous peine de passer pour la méchante maîtresse...la maman comprendrait alors pourquoi son petit se cache ainsi.
Il y en a qui font de la résistance presque toute l'année. Au début je garde mon sourire et mon calme devant l'attitude renfrognée du cher petit et un jour, voyant que la maman ne réagit toujours pas, je renonce à sourire au gamin et j'essaie une autre méthode. Soit j'en discute tranquillement le soir après la classe entre quatre yeux (ou six) ; soit j'en parle au gamin après le départ de sa maman, quand il est redevenu charmant, en lui disant que « s'il veux que je m'occupe de lui, il faut aussi qu'il soit gentil quand il arrive le matin et dise bonjour. » Ça marche pas trop mal en principe.
Je me souviens d'une petite fille, qui allait jusqu'à me tirer la langue certaines fois, la maman était gênée bien sûr mais pas tant que ça en fait. En effet cette attitude de leur enfant peut aussi valoriser les parents, « Voyez comme il m'aime, il ne veut pas me quitter ! » S 'ils ne le disent pas ouvertement devant moi, je le ressens très fortement.
Les parents se culpabilisent aussi souvent de laisser leur petit à l'école toute la journée, les enfants le sentent très bien et en jouent souvent.
Il y a aussi le cas des enfants dont les parents sont séparés, ils jouent alors beaucoup sur l'affectif et le parent est tenté de se sentir un peu valorisé si leur enfant leur montre sa dépendance envers lui.
Je me souviens également d'une mère qui semblait surprise que son fils cadet ne réagisse pas comme l'avait fait sa sœur aînée qui hurlait quand sa mère partait. Lui arrivait en conquérant à l'école, souriant, heureux visiblement, je sentais parfois la mère tiraillée entre un sentiment de soulagement de voir que son fils s'adaptait aussi bien et...comme un regret de le voir la quitter sans état d'âme !
Une autre encore traînait dans la classe longtemps il fallait presque la pousser dehors !, son fils allant directement jouer avec ses camarades
« Mais tu ne me fais pas un petit bisou ? »
Tant et si bien qu'au bout d'un moment, le petit avait compris ce que sa mère lui demandait implicitement et c'est arrivé qu'il se mette à pleurer... pour lui faire plaisir.
Durant ce moment d'accueil, les enfants choisissent librement leur activité. Ils jouent dans les coins poupée, cuisine, voitures, constructions, lisent un livre dans le coin bibliothèque, dessinent, font un puzzle, un collier, de la pâte à modeler...
Les parents sont autorisés à rester un peu dans la classe le temps que l'enfant démarre son activité. La plupart respectent la règle qui est de ne pas s'attarder, il y a beaucoup de monde dans la classe à ce moment-là !
Moins de temps ils restent, mieux la séparation se passe, l'enfant comprend que ses parents ne sont qu'invités dans sa classe.
Certains ont plus de mal. Les femmes au foyer par exemple (de plus en plus rares), la classe est pour elles est un lieu de rencontres avec d'autres mères, elles papotent entre elles, je pourrai faire salon de thé ! ou s'éternisent avec leur enfant installé à une activité.
Plus j'avais de l'expérience, moins je laissais faire et à la fin, j'avais trouvé le biais : j'agitais la calebasse, le signal du rangement pour les petits, et la dernière maman se levait alors, l'air contris :
« Il faut que je m'en aille mon chéri, fais-moi un dernier bisou »
Ah ! Les bisous du matin !
Il y a des enfants pour lesquels ce ne doit jamais être le dernier « encore un bisou mamannnnnn ! »et ainsi de suite jusqu'à ce que le parent doive finalement s'enfuir, l'air coupable devant les hurlements du petit qui réclame encore et encore un bisou histoire de faire traîner le plus possible le moment fatidique du départ.
Les pleurs ne durent guère au-delà de la première semaine, voire la deuxième pour les plus sensibles. Ils cessent d'ordinaire très vite après le départ des parents.
Il y a des années où il y a davantage de pleurs et d'autres où ça se passe bien, c'est lié à l'effectif, moins il y a d'élèves, plus on a le temps de s'en occuper individuellement et de mieux les accueillir.
Pour les enfants pour lesquels cela durent davantage, il y a généralement une explication, on en discute alors, en particulier, avec les parents.
Un de mes élèves ne jouait pas la comédie, ses sanglots étaient discrets mais profonds, il me suivait partout, il me faisait mal au cœur, je sentais qu'il avait un réel besoin de sécurité. Quelques semaines après la rentrée son père se suicidait. Autant dire que toute l'année j'ai un peu privilégié cet enfant-là, très intelligent, très attachant.