J'enfourche le vélo à la découverte des chemins de traverse de ma commune.
Je m'aperçois que je suis loin de tout connaître. Depuis quelques temps j'ai entrepris de parcourir les rues et les chemins, à la recherche d'endroits paisibles, de rues tranquilles, sans circulation... c'est un vrai plaisir de constater qu'on peut traverser ainsi la ville et descendre jusqu'aux marais sans être tout le temps frôlé par les véhicules !
Aujourd'hui, j'avais moins de temps et la météo était plus morose, je me suis contentée d'explorer le haut du côteau guérandais.
Je me suis retrouvée devant l'entrée d'une résidence, lieu d'habitat de riches propriétaires guérandais. De belles et grandes maisons, toutes entourées de jardins conséquents. La rue descendait et je pensais que je pourrais trouver un accès pour continuer vers les marais-salants. Arrivée devant un cul-de-sac, je ne vois qu'un un chemin, néanmoins fermé par une barrière en bois agrémentée d'un panneau d'interdiction...
La barrière franchie, en passant le vélo dessous, je me suis retrouvée dans un bois, parmi un choix de sentiers tous plus attrayants les uns que les autres mais qui ne menaient ni aux marais, ni bien loin d'ailleurs...
J'ai eu donc le loisir de me promener, seule dans ce bois, sous les frondaisons d' arbres magnifiques, parmi la verdure luxuriante qui ne semblait pas affectée par la sécheresse de ce printemps ensoleillé.
Je me suis retrouvée devant des murailles, des ruines, un étang. J'ai continué à parcourir le bois, presqu'en catimini, tellement j'étais impressionnée par ce lieu préservé . De tous côtés la nature avait repris ses droits, apparemment ce bois n'était pas entretenu souvent et cela lui donnait un charme humide et verdoyant. Des odeurs de terre mêlées à celles des plantes parfumaient l'air ambiant. Un vrai régal des sens !
Ma seule crainte était de me retrouver nez à nez devant un doberman... je n'ai rencontré, heureusement, âme qui vive et ai pu profiter de cette promenade inédite et solitaire tout à loisir.
Quand j'ai voulu repartir, plutôt que de repasser sous la barrière, j'ai cherché une issue différente, mais au bout d'un chemin plus large que les autres... je me suis retrouvée face à une grille de fer forgée, bien fermée, pas moyen d' y passer la queue d'une souris !
Bon... ça m'apprendra à jouer les exploratrices de bois privés !
Je n'ai pas eu d'autre choix que celui de reprendre le sentier qui me ramenait à la barrière en bois.
En repartant, je n'étais plus à ça près, j'ai fait un autre petit détour par un chemin indiqué « Réservé aux résidents », qui, je l'ai vite compris, me ramenait au bois précédemment parcouru.
Durant toute cette exploration forestière, je m'étais préparée à une rencontre avec l'un ou l'autre des propriétaires et j'avais de côté une petite explication primaire à leur offrir au cas où « Je me suis perdue, je cherchais les marais » (pas faux).
Cette petite incursion en terrain privé m'a rappelé une semblable transgression que nous avions faite, en toute bonne foi, avec mes parents lorsque nous étions enfants.
Nous nous étions, sans nous en être aperçus, retrouvés sur une île que l'on pouvait rejoindre à pied à marée basse.
Sur cette île un propriétaire peu amène nous avait déboutés en nous interpellant :
« Que diriez-vous si je venais ainsi chez vous ? »
Ma mère, rebelle sans en avoir l'air, lui avait alors répondu, sans se démonter :
« Mais vous pouvez venir, Monsieur, nous vous invitons volontiers, nous habitons en ville, dans un HLM, au troisième étage... »
Est-ce depuis ce temps-là, que j'ai gardé une certaine amertume, un rancoeur tenace, contre les nantis, ceux qui protègent si bien leur tranquilité, leur propriété, leur terrain privé ? Toujours est-il que je déteste les barrières, les barbelés et autres grillages qu'il m'arrive comme cette fois de franchir... le plaisir de l'interdit mêlé à la frustration d'être partout, et de plus en plus, limité dans les promenades.
Je pense à l'automne et aux cueillettes de champignons, parfois j'ai bien du mal à trouver un bois libre d'accès , « Réserve de chasse » « Privé » « Cueillette interdite » etc... c'est très frustrant, plus encore quand un bois librement parcouru les années précédentes se voit soudain enturbanné de barbelés et autres fils de fer !
Ce bois-là, apparemment peu fréquenté par les privilégiés de ce lieu protégé, ferait le bonheur des promeneurs. Alors, tout comme « Jeudi noir » qui occupe les logements vides pour en faire profiter ceux qui n'en ont pas, ne pourrions-nous pas aussi occuper les bois privés, en respectant l'environnement, qui ne servent pas ou si peu ?
J'ai appris récemment l'histoire de ce bois. Il fait partie d'un important lot vendu il y a quelques années à un promoteur qui en a fait "la résidence de Colveux", située en haut du côteau, dans un environnement exceptionnel. Les propriétaires habitent de belles propriétés et le bois, apprécié par les Guérandais autrefois pour la promenade du dimanche, la cueillette des champignons... est maintenant réservé aux seuls résidents.