Hier j'ai fait du tri, j'ai enlevé toutes les photos de toi des albums de vacances.
Je ne les ai pas jetées, juste mises dans la grande enveloppe brune en compagnie de tes poèmes et de tes missives d'amoureux.
Je les ressortirai peut-être un jour, lorsque je serai une vieille dame digne (?) pour me remémorer qu'un jour, un an ou un peu plus ce beau gars-là m'a aimée.
Pas de nostalgie dans le tri, dans tous mes tris.
L'autre jour c'était le tour des pulls, des tee-shirts et autres frippes qui m'ont accompagnée un temps lors des balades, des sorties, du travail, qui parlaient de moi aux regards des autres,
qui savaient cacher ce que je n'avais pas envie de montrer et
qui savaient envelopper le corps du chiffon qui me ressemblait à ce moment-là.
Une autre fois c'était la valse des bricoles à poussière, vous savez celles qu'on ne veut pas jeter car elles sont le souvenir d'un cadeau, d'un moment, d'un coup de coeur ? Et puis qu'un jour on a assez de soulever pour passer le chiffon, alors qu'on remise au garage en attendant le troc ou le don à l'assoc du quartier.
Et les papiers, la paperasserie qui s'accumule, les petits papiers de renseignements qu'on garde "au cas où", les archives des comptes en tout genre, les lettres fanées et les adresses périmées du répertoire ?
Pas bien, pas gentil :le tri des amis qu'on n'a plus envie de voir car ils font partie d'une autre époque, d'une partie de notre vie qui n'est plus la même aujourd'hui ou ceux qui nous pompent notre énergie... alors qu'à côté il y a d'autres rencontres possibles qui sont celles qui nous correspondent aujourd'hui.
Le grand tri de la séparation, plus envie de ces choses partagées à deux, pleines de souvenirs d'un avant. Juste prendre quelques petites pincées de matériel utile et pas chargé de sentiments.
Quand je suis partie de la maison où j'ai vécu 20 ans en famille, j'ai fait des "sacs", pas de cartons, un sac par pièce, un sac par jour pour emporter dans une maison sans âme qui a abrité durant un an la douleur des illlusions perdues.
Et puis aussi : le tri des bouquins que je ne relirai pas, qui m'ont plu à l'époque des princes et des princesses, des cd que je n'écouterai plus, dont la musique vivait le temps d'un été, le temps d'une rencontre.
Je pratique le tri-thérapie, excuse pour le mauvais jeu de mots, je trie pour changer quelque chose dans ma vie, je trie pour ne pas accumuler la poussière sur ce qui fut, je trie pour aller en avant, je trie pour ne pas cultiver la nostalgie, je trie pour laisser place à la nouveauté.
Jacinte Grenier
Mars 2009