La condition sine qua non pour l'accueil dans la classe est la propreté. Entendez par-là que l'enfant soit capable de demander à aller aux toilettes quand il en ressent le besoin ou mieux d'y aller seul.
Ça paraît évident et pourtant ! A chaque rentrée je me trouve face au même problème : certains enfants ne sont pas autonomes de ce côté-là, résultat : l'Atsem passe du temps à changer slip, pantalon, voire chaussettes au lieu de m'aider dans la classe.
Quand on en parle avec les parents des enfants concernés, c'est quasiment toujours les mêmes réponses :
« Oh, vous m'étonnez, à la maison il n'y a aucun problème,
- Mais si, il est propre depuis un mois maintenant, c'est curieux ce que vous me dites-là. »
Ce n'est pas agréable d'avoir à insister, de se faire passer pour la vilaine maîtresse qui ne s'y prend pas bien avec le petit chéri.
Quand je discute un peu avec les parents, très souvent, j'obtiens ce genre de révélations :
« C'est vrai que de temps en temps ça lui arrive mais ce n'est pas fréquent, je vous assure !
- Je lui mets une couche pour éviter les petites fuites,
- Si vous voulez je peux mettre une couche dans son cartable au cas où ? »
L'école n'est pas la crèche, nous n'avons pas le même personnel, la propreté de l'enfant est absolument indispensable, nous ne pouvons pas passer notre temps à changer des tenues mouillées et qui plus est : changer les couches !
Les parents qui inscrivent leur enfant alors qu'il n'est pas encore autonome de ce côté-là, le savent très bien mais ils sont tellement soulagés que le petit aille à l'école, qu'ils confondent souvent avec une garderie, moins cher qu'une crèche, une nounou, qu'ils font l'impasse sur la propreté quand celle-ci leur semble à peu près acquise.
Je me souviens du cri de victoire d'une mère qui attendait que sa petite soit propre pour la mettre dans ma classe, un soir elle vient me voir « Yesssss ! Lucie est propre, elle va pouvoir venir ! »
Lucie avait à peine deux ans, était haute comme trois pommes, courait partout, touchait à tout, un vrai tourbillon. La maman attendait un bébé pour le mois suivant, je lui ai conseillé de patienter un peu pour éviter que Lucie fasse l'amalgame entre cette naissance et ses débuts à l'école... peine perdue, la mère était trop pressée de se débarrasser de son encombrante gamine ! Tous les collègues ont été comme moi, choqués par l'attitude désinvolte de cette mère.
Cette petite, difficile à gérer, a été particulièrement insupportable l'année suivante, se révoltant à sa façon.
Dans la même veine, une autre mère était débordée par la vitalité de ses deux garçons, des jumeaux qui lui menaient la vie dure.
Quand elle avait accompagné ses petits à l'école, le sourire jusqu'aux oreilles, elle s'était bien gardé de me dire qu'ils n'étaient pas tout à fait propres . Les accidents ont débuté dès la première matinée.
Devant son insistance à affirmer qu'il n'y avait pas de problèmes à la maison, et pour être diplomate, il faut l'être pour faire ce métier !, je lui avais proposé qu'on fasse un essai sur une semaine.
Tous les jours, à midi, quand elle venait les chercher, on lui tendait... le sac de rechange avec les vêtements mouillés de l'un ou de l'autre de ses garçons, jamais les deux le même jour, curieusement, son sourire s'évanouissait et elle prenait un air penaud.
Heureusement, le directeur me soutenait toujours dans ces cas-là, en redisant aux parents qui venaient se plaindre que nous n'acceptions pas les enfants tant qu'ils n'étaient pas propres.
A la fin de la semaine, il a bien fallu que la mère se rende à l'évidence : il fallait qu'elle récupère ses monstres à la maison.
Deux mois plus tard, le sourire revenu, elle vient m'annoncer que cette fois ils avaient bien acquis le passe-droit et qu'ils étaient enfin propres, tous les deux.
J'aurais beaucoup d'exemples comme ceux-ci à relater et je pense que dans toutes les écoles il y a des cas semblables.
Cela démontre aussi que les parents qui inscrivent leurs enfants dès deux ans, sont bien souvent dans une démarche de recherche de mode de garde pratique et peu onéreux.
Devoir dépenser de l'énergie pour faire comprendre à ces parents que l'école n'est pas une simple garderie, qu'il y a des règles à suivre, qu'il faut que leurs petits grandissent à leur rythme et qu'il faut savoir patienter, je m'en serai bien passé car mon rôle est avant tout d'enseigner.