blog : www.dessins d'enfants
Je vais faire une pause dans le récit du déroulement de la journée pour parler du problème de l'accueil des deux ans à l'école. Ceux qu'on nomme, selon les écoles, pré-petits, pps, touts-petits, tps, ps1, petite section première année.
Si j'ai envie d'en parler c'est que je viens de lire, une fois de plus, quelques phrases écrites à ce sujet par quelqu'un qui n'a jamais mis les pieds dans une classe maternelle ou ne s'y est pas attardé plus que le nécessaire.
Combien de fois ai-je rêvé, au sens propre et au figuré, d'enfermer à clef dans ma classe, un de nos ministres successifs, un élu, un inspecteur, un directeur ;) hou-là y' a des oreilles qui vont siffler, une journée entière avec les petits pour ensuite pouvoir discuter en connaissance de cause.
L'article qui m'a énervée, alors que je ne suis plus concernée depuis bientôt un an, partait pourtant d'un bon sentiment puisqu'il y était question de la défense du service public, de l'école en particulier. Je cite :
« Les seuils d'ouverture et de fermeture de classes ont été habilement modifiés, avec pour conséquence des classes de plus en plus chargées, des Rased incomplets (réseaux d'aide spécialisés aux élèves en difficulté) et de moins en moins d'élèves de deux ans accueillis. »
C'est sur ce dernier point que je veux témoigner de ce que j'ai constaté durant les 16 années que j'ai passées en petite section, avec des élèves de deux à quatre ans.
Ma pire expérience a été celle d'une année où il y avait 40 élèves inscrits dans ma classe, dont 25 pré-petits de deux ans ! Vous avez bien lu !
Je ne pouvais pas me plaindre de cette situation. En effet le directeur m'avait imposé cela parce que j'avais refusé, lors de la répartition des effectifs, une classe de 34 élèves, avec trois niveaux, pré-petit, petite et moyenne section. Le tout dans un contexte de soi-disant travail en équipe avec deux collègues autoritaires qui avaient la science infuse : nous aurions eu trois classes semblables de 34... alors que les deux classes de grande section devaient être privilégiées avec 23 élèves chacune seulement !
Combien de fois ai-je remarqué que les plus jeunes élèves sont mal considérés, j'ai souvent eu l'impresssion que la classe de petite section faisait office de réservoir pour les classes au-dessus.
Bref, une année épouvantable autant pour les petits que pour moi... Que faire avec un tel effectif d'enfants non autonomes ? De la garderie...point-barre (et sans le personnel des crèches, seulement à deux, une atsem et moi-même).
J'avais essayé de limiter les dégâts en parlant aux parents la veille de la rentrée, leur expliquant la situation, sans rentrer dans les détails, nous aussi on pratique, hélas, la langue de bois quand on nous le demande ! Ainsi, j'accueillais la moitié des touts-petits les deux premiers jours de la semaine, et le reste les deux autres matinées, (je précise que les deux ans ne viennent pas l'après-midi à l'école). Rien de légal dans tout cela mais où se situe la légalité dans un cas pareil ?
Pourquoi inscrire de si jeunes enfants à l'école plutôt qu'en crèche, en nourrice ou encore les garder à la maison ? J' ai vu souvent des mamans en congé parental inscrire leur enfant de deux ans pour avoir du temps libre.
Du côté des parents les arguments sont divers et souvent de mauvaise foi :
« Il ou elle réclame l'école...(!)
- Ce sera bien pour lui car il s'ennuie à la maison,
- Je ne sais plus quoi en faire à la maison, il est terrible, l'école va le dresser,
- Je travaille, alors vous comprenez, je n'ai pas le choix !
- L'école va lui faire du bien, va l'épanouir, lui donner de l'avance etc... »
Souvent j'aurais eu envie de répondre du tac au tac mais je devais me retenir et essayer de faire réfléchir ces parents sans les brusquer :
« Il est bien jeune, a-t-il été un peu habitué à la vie collective, l'avez-vous mis de temps en temps à la halte-garderie ? A l'école il va se trouver un peu perdu.
- La crèche ou la nourrice sont des solutions plus adaptées à ce jeune âge, y avez-vous songé ?
- A l'école on apprend effectivement un certain nombre de règles propres à la vie en collectivité mais l'éducation à la maison est de votre ressort (j'avais du mal à dire ça et pourtant !)
- Quand l'enfant arrive trop tôt à l'école il n'apprend pas plus que les autres qui viennent un an après, parfois même au contraire, il se lasse et on le voit en dernière année de maternelle, en grande section. »
Ce que je ne pouvais pas dire franchement aux parents de ces deux ans, à l'école on fait du commerce, si si... et quand on n'est pas assez diplomate on risque de perdre des élèves avec pour conséquence une fermeture de classe à la clé, c'est ce qui suit :
Un enfant ne réclame jamais l'école, pour la bonne raison qu'il ne peut pas s'imaginer celle-ci telle qu'elle est réellement. Il peut à la rigueur, en voyant l'aîné partir le matin, avec son cartable, vouloir faire comme lui, tout comme il veut imiter maman quand elle prépare le dîner ou papa quand il bricole, mais c'est juste pour un moment.
Quand il se retrouve dans la classe, entouré de petits comme lui, qui réclament tous un peu d'attention de la part de l'adulte présente, dans un milieu qu'il ne connait pas, sans ses repères, ses rituels, il est bien souvent perdu.
Combien de fois ai-je entendu une mère amenant son enfant fiévreux le matin, « Mais il voulait venir ! » prendre ses propres désirs pour ceux de l'enfant.
Et supposons que le petit réclame réellement l'école doit-on pour cela l'écouter ? Qui doit décider à la maison ?
Cela m'amène à parler de l'autre argument parental : « A la maison il est terrible, à l'école vous allez le dresser ! »
L'école ne doit pas se substituer à l'éducation parentale. D'ailleurs le mot « Education nationale » est très mal choisi et énerve les enseignants à qui on demande, et de plus en plus, de tout faire : enseigner, normal, et éduquer.
Bien sûr qu'à l'école il y a des règles, celles de la vie collective, la discipline sans laquelle l'enseignement ne pourrait avoir lieu. Mais quand on me demande des conseils pour qu'un enfant ne fasse plus la comédie pour aller se coucher, qu'il accepte de manger suffisamment, qu'il arrête d'embêter ses frères et sœurs, en résumé qu'il obéisse à papa-maman qui sont débordés....là je dis stop, ce n'est pas mon rôle !
Dans la réalité, c'est dur de dire à ces jeunes parents, que c'est à eux de trouver la solution ou de demander des conseils à une association de parents, à un professionnel (psy, pédiatre). J'avais d'ailleurs, pour les parents dont les enfants posaient problème, une ou plusieurs adresses sous la main.
Mais je m'éloigne de mon sujet : les deux ans.
A suivre