Les récréations dépendent beaucoup... des cours ! Il y a beaucoup de différence entre celles-ci et si j'en ai connu d'agréables, la plupart ne sont juste qu'un bout de bitume à partager entre de nombreux élèves.
En début de carrière j'ai enseigné dans une école à deux classes, « une petite école charmante », dixit celui qui m'avait proposé un poste de direction dans ladite école.
Il n'avait pas tort sur le charme du lieu : c'était bien une petite école de campagne, tout en pierres, cachée derrière l'église, avec un vieux préau ardoisé, une cour ombragée de taille tout à fait raisonnable et en fond d'écran le must : un espace vert planté de peupliers.
J'ai vite compris que ce bel espace de verdure ne serait pas praticable souvent. En effet, le terrain en pente y déversait d'octobre à mai le trop plein de pluie et de ce fait on ne pouvait y faire jouer les enfants au risque de les rendre le soir à leurs parents complètement trempés, ce qui aurait été mal vu !
La cour de cette petite école avait au moins le mérite d'être agréable à l'œil et plaisante par son côté tranquillement campagnard.
A l'opposé j'ai travaillé durant neuf ans dans une école urbaine où seul le bitume faisait office de terrain de jeux. J'avais proposé de ramener des pneus de voiture en guise de jeux pour les enfants car il n'y avait rien d'autre... pas top au niveau de la propreté mais ça passait encore en ce temps-là.
La surveillance des récréations consistait surtout à empêcher les bagarres entre certains enfants, le manque de jeux de cour en était l'une des causes. Les chutes sur le bitume, étaient fréquentes chez les petits, on devait courir confier le blessé aux soins de l' Atsem avant de retourner surveiller. Pas franchement une partie de plaisir, ni pour les enfants, ni pour nous.
Dans une école du bord de mer, j'ai vu pas mal d'aberrations. Notamment la « bonne mauvaise idée »d'avoir mis une sorte de petit gravier rond autour de l'espace-jeux afin d'atténuer les chutes... Les enfants ayant toujours beaucoup d'imagination quand il s'agit de faire des expériences inédites, on a dû certaines fois enlever un gravier de la narine de l'un d'eux, de l'oreille d'un autre... le tout à la pince à épiler, en tremblant de faire un geste inadéquat ! Et bien sûr en appréhendant les réprimandes des parents du cher petit le soir, nous sommes responsables de tout ce qui arrive à l'école même d'un aménagement que nous n'avions en aucune manière sollicité !
Combien de fois au contraire, demandons-nous d'enlever telle ou telle structure qui nous paraît dangereuse, supplions-nous pour avoir quelques malheureux ballons, pelles et seaux (quand par chance la cour est munie d'un bac à sable !), vélos ou autres jeux d'extérieurs qui devraient être obligatoires sur une cour de récréation.
Cette année-là il y eut un accident mortel dans une école du département : une plaque en béton, œuvre d'art-plastique, s'était décrochée du mur de la cour et était tombée sur un élève, le tuant ! Ce drame avait fait scandale et les directeurs avaient été briffés pour que tout soit mis en œuvre dans les écoles afin que la sécurité soit au maximum. Ça a été le début des affres des surveillances de cour ! Particulièrement anxieuse, je passais mon temps à intervenir dès la moindre inquiétude, attendant la délivrance de la sonnerie de fin de récréation.
On nous effrayait en nous répétant que nous étions RESPONSABLESde tout accident survenu durant notre surveillance, donc interdit de parler entre instits, de prendre le café, la tasse à la main, sur la cour, de nous absenter la moindre seconde et surtout avoir les yeux partout !
Je témoigne qu'il est absolument impossible de tout voir en même temps, et surtout sur la cour de cette école, pleine de recoins dont l'aménagement était plus que fantaisiste. Outre ces petits graviers si faciles à avaler par les petits, il y avait au fond une barrière de treillis en bois : ceux qui sont terminés en pointe ! On demandait régulièrement au directeur de faire remplacer cette barrière empaleuse (!), promesses... jamais tenues. Plus au fond encore, un tas de terre n'avait jamais été évacué, l'aubaine pour les enfants, moins pour nous qui devions les empêcher d'y monter.
L'école s'était cotisée pour acquérir des vélos mais ceux-ci n'ayant jamais été remplacés étaient dans un piteux état, malmenés par des loustics plus que brutaux dans leur conduite et qui renversaient à chaque récréation leur quota de plus petits qui se risquaient sur la seule piste, en forme de couloir, où il était possible de rouler... à fond de train il va sans dire !
A suivre...